jeudi 2 novembre 2017

Blue Zloty

Blue zloty

Dimanche 23 juillet. On prend les mêmes que l’année dernière et on recommence. 


Rouen-Dresde-Cracovie-Auschwitz-Nyrsko-Stuttgart-Rouen. 3510,5 kms en 8 jours. On part de Rouen à 17h45. Bambou est fatigué, il a fait un enterrement de vie de garçon la veille, il se cale derrière, on est tous les trois avec Giraud et Médoc devant (oui, le Multipla a 3 places devant).


C’est Médoc qui conduit, son sang de trucker bouillonnait depuis 1 an. On s'arrête le soir sur un parking de supermarché pour manger. 


On écoute Chris Isaak dans la voiture, on a un Best-of mais on écoute seulement Wicked Game et Blue Hotel. On s’arrête à 2h30 en Allemagne pour pioncer. Alors, c’est vraiment pas une légende, les allemands foutent de la merde partout quand ils vont aux chiottes. Je prends une photo pour avoir des preuves. 


C’est trop risqué de sortir les tentes, on dort tous les 4 dans le Multi. On utilise la même technique que l’année dernière pour pouvoir s’endormir en voiture : picoler.

Lundi 24 juillet. On se réveille la tête dans le fion vers 9h, on avale un petit dej et un café et on trace vers Dresde. On s’arrête prendre un café sur une aide d’autoroute aux allures soviétiques.


On s’assoit à l’abri de la pluie. Des roumains viennent nous rejoindre, ils extraient le cuivre de câbles longs de plus de 10 mètres. On se lave les dents à l’ancienne et on repart. On arrive en ville à 13h30. On se gare un peu à l’extérieur de la ville, on cherche un centre commercial pour couler un bronze. Une fois soulagés, on repart en direction du centre ville. On essaie de mettre en place une tradition : chaque ville où on pose les pieds, on goûtera un kebab. Celui de Dresde est excellent. Pas aussi bon que celui de Munich l’année dernière mais excellent quand même. On le mange tranquillement en terrasse, au bout de quelques minutes on entend : « Mais vous êtes partout vous ! ». C’est Brahim, un marocain étudiant à Dresde qui a reconnu qu’on parlait français. On le salue tous, quand il arrive à mon tour il me dit que je suis beau et qu’il veut coucher avec moi le soir. Bon… J’espère qu’il blague, je ne suis pas trop chaud … On lui pose quelques questions sur la ville, il nous rencarde sur les lieux à visiter. Il nous dit que les kebabs en France sont super bons, on ne valide pas vraiment. Il critique les turcs en voyant l’enseigne du kebab, c’est marrant comme les peuples cherchent toujours les défauts chez leurs voisins… Après ça, on se ballade un peu dans la ville, on a pas dû choisir le bon coin, c’est un centre ville assez classique avec toutes les enseignes qu’on retrouve partout. On se boit une pinte en terrasse et on va se balader au Primark. 


On quitte la ville vers 20h en direction de Cracovie, il nous reste pas mal de route. On s’arrête vers 22h sur une aire d’autoroute polonaise, on checke un peu le cours du zloty : 1 zloty ça fait environ 0,23 euros, on pense déjà à acheter le pays. Dehors il pleut. Bambou rentre dans le magasin pour acheter des clopes. Je remarque une fille plutôt jolie avec de grandes lunettes rondes, elle a l’air avenant. Elle fait la queue juste avant Bambou. Juste avant qu’on quitte le shop, elle nous arrête, elle se marre parce qu’on a l’air complètement paumés. On lui propose une clope et on discute quelques minutes avec elle. Elle s’appelle Lara, elle est allemande et vient de passer 10 mois à Jérusalem. Elle se rend à Varsovie en van avec des potes, dont une copine israélienne. Elle nous demande ce qu’on fait dans la vie, on se rend compte qu’on est tous plus ou moins profs ou en relation avec les gosses. On lui demande des conseils sur Leipzig car on compte y passer en repartant : elle nous dit que c’est une chouette ville et qu’elle compte y habiter le plus rapidement possible. Elle repart de la station, on se pose pour manger. 


Une fois terminé ce festin, on repart pour s’arrêter dormir vers 0h30 près de Wrakłow. Il pleut toujours. On galère à s’endormir, du coup on boit du whisky. Ça met du temps à faire effet mais on finit par s’endormir. Les nuits en multipla c’est pas le top.


Mardi 25. Même merde, on se réveille vers 8h30 bien vaseux, on déjeune vite fait, on engloutit un mauvais café et on file vers Cracovie. Médoc conduit toujours. On a formé des équipes : je suis devant avec lui et on écoute Chris Isaak, les deux autres finissent leur nuit derrière. La chanson Blue Hotel devient très rapidement Blue Zloty, on ne peut pas s’empêcher d’avoir notre version en tête… Bambou prend le volant quand on arrive sur Cracovie, il est environ 13h30. 


On se gare en ville, on paie quelques zlotys pour la journée et on rejoint notre auberge. Arrivés là bas, la fille de l’accueil (qu’est ce qu’elles ont à toutes être jolies les polonaises ??) nous dit que notre chambre a eu un souci, on va devoir dormir dans une autre auberge, pas très loin. On est vraiment crevés mais on s’en fout un peu, avec le plan qu’elle nous file on part chercher la nouvelle auberge. On se pose, on croise deux français qui ont perdu leur pote. Ils nous parlent d’une application pour rencontrer des gens d’un peu partout dans le monde, leur pote à dû rencontrer une fille grâce à ça et dormir chez elle… Ils nous conseillent de visiter Auschwitz et les mines de sel. Les visites groupées sont payantes, on préfère se démerder comme des grands (surtout comme des radins). On se douche tranquillement et on part faire un tour de la ville. 


La ville est vraiment jolie, contrairement à Varsovie rien n'a été détruit pendant la guerre, elle garde tout son charme historique. On trouve un petit restaurant qui nous parait assez typique. Vu que j’ai vraiment envie de manger local, je commande un hamburger. Les gars sont plus aventuriers : Bambou prend un bortsch, une soupe  avec des betteraves, des champignons, des oignons, Médoc et Clément prennent des pierogis, les raviolis traditionnels polonais. 


Bon pour Clément c’est pas terrible, ils ont plutôt tendance à cuisiner dans la graisse animale ici. Le patron est gentil. La patronne un peu moins. On va pour payer, on a que des gros billets vu qu’on vient de retirer de l’argent, elle nous fait clairement comprendre que ça l’a fait chier de nous rendre la monnaie, on se fait même engueuler. Enfin on suppose, on ne comprend pas et le ton ne paraît pas forcément cordial. On continue notre tour en ville, repus. 


On galère à se repérer. Quand le soir tombe, il faut éviter les rues trop touristiques, on est choqués par le rabattage : des mecs, et des filles, nous proposent de rentrer dans un bar pour boire une bière, puis nous propose un strip tease. On refuse poliment, quand ils sont derrière nous on entend « cocaïne, cocaïne, cocaïne … ». On est arrêtés tous les mètres, on doit vraiment avoir des bonnes gueules de touristes. Bon ok, on a des bonnes gueules de touristes … On se pose au Relaks, un bar juste en dessous de l’auberge, on prend 5 pintes chacun, on goûte la vodka locale (qui est plutôt finlandaise que locale d’ailleurs), on parle sérieusement de musique, de la subjectivité des goûts, de la difficultés d’en faire en amateur. 




Tout ce débat est très sérieux, la diction l’est un peu moins … On sort du bar raides, on fait 3 pas pour rejoindre nos chambres, on s’endort comme des masses.

Mercredi 26. Réveil à 9h, on doit quitter l’auberge à 11h max. Mal de crâne : doliprane. Le petit déjeuner nous est offert en dédommagement, on en profite pour se blinder le bide. 



On quitte l’auberge, on a du temps à tuer avant de pouvoir rejoindre l’autre pour poser nos affaires. Le check in doit être à 14/15h … Du coup on se ballade à nouveau dans la ville. On mange des falafels dans le centre. Pas très loin de nous, une fille fait une sorte de performance avec des culottes en se faisant prendre en photo. C’est difficilement descriptible parce que c’était difficilement compréhensible … On s’achète un pack de Źubr (soigner le mal par le mal) et on part à la recherche de notre nouvelle auberge. Les filles de l’accueil sont gentilles. C’est un peu la remarque qu’on se fait sur les polonais : assez froids mais quand même sympas. Et jolies merde. Bon je ne pense qu’il y ait des pays avec des filles plus jolies que d’autres mais c’est l’effet touriste : tout nouveau, tout beau. On se pose un peu sur la terrasse boire des bières. La rue entière est totalement en travaux, c'est un peu la guerre.



Bambou nous apprend à faire du Kung Fu en ville. C’est pas évident comme technique, il faut sauter en l’air, tendre une jambe et replier l’autre… C’est pas trop pour moi, mais chacun a son style de Kung Fu, Bambou restant quand même le master. 



On trouve un bar sympa dans le centre, dans un petit rue, la bière n’y est pas chère et le cadre est cool. Avant de retourner au bar et de repasser à l’auberge, on fait un petit caprice pour se faire un Burger King, c’est un peu la tradition, comme le kebab.


Et puis merde, il faut que le King revienne (cf. vacances 2016). Giraud se retrouve encore une fois dans la merde, il ne peut prendre que des oignon rings … On s’en veut un peu, on lui fait l’aumône de quelques frites. Et puis c’était pas une si bonne idée ce Burger King, c’est toujours une idée de génie avant et un supplice après quand tu as le bide en vrac. On trouve un bar qui nous parait vraiment typique (oui, on veut vraiment du local…) près de la première auberge. Bon déjà on ne peut pas s’assoir. Enfin si mais dans un petit coin ultra sombre. Bambou est assis dans les marches … 


Je me sens très mal : Burger King + ambiance étrange. La serveuse est une sorte de gothique vraiment pas sympa, on a l’impression qu’il y a nous, la serveuse et ses potes. Je croise quelques regards un peu moqueurs. Médoc s’y sent bien, c’est vraiment une angoisse pour moi. Une sans-abris entre, se fait dégager en faisant des doigts, la serveuse lui répond. On ne comprend pas vraiment ce qu'il vient de se passer, mais on n'a vraiment pas envie d'emmerder Joe la gothique. On finit rapidement nos bières et on retourne au Relaks. 



Médoc paie sa tournée de bourbon. Enfin je la paie avec son billet… La fatigue se fait sentir. On retourne au bar de l’après midi, on discute beaucoup, de nos vies, de nos voyages, du fait qu’on a du mal à rencontrer des gens alors qu’on est plutôt sympas tous les 4. On se dit que c’est l’effet « 4 mecs ». On boit des pintes, quand on en a marre des pintes, on boit de la vodka pure ou aromatisée à la cerise. En rentrant à l’auberge on recroise les rabatteurs. NON ON NE VEUT PAS DE STRIP TEASE PUTAIN ! On s’arrête dans une petit épicerie acheter des Źubr, on se pose dans la cour de l’auberge et on discute jusqu’à tomber de fatigue…

Jeudi 26. On se lève à 10h, frais. Bon presque frais. On se douche et on part en ville avec une grosse dalle. On tombe sur un restaurant qui nous parait bien. C’est un genre de restau-buffet à la Flunch mais avec des plats polonais. Je commande un genre de ragoût, c’est pas mauvais ! On fait une ballade digestive de vieux, on s’assoit un peu devant l’église Saints-Pierre-et-Paul. On raconte des conneries sur les gens qui passent, une vieille demande de l’argent aux gens en s’allongeant par terre. Elle demande en allemand « bitte schoooooooooooone », je pense qu’elle est rom. On se fout de sa gueule mais c’est plus défensif. Dès que quelqu’un passe devant elle, elle s’active, ça me fait penser aux grenouilles en terre cuite qui croassent dès que quelqu’un passe devant. On se motive pour aller visiter l’église et ses catacombes. En rentrant dedans Giraud dit : « Eh bah faire 3000 bornes pour visiter la cave du 3 pièces, merci les gars ! ». On se marre. Il pète, ça résonne, on se marre. On doit commencer à être un peu fatigués… On monte sur les hauteurs de Cracovie pour visiter de château de Wawel. On essaie de faire une photo de touristes comme avec la tour de Pise mais ça rate lamentablement. On redescend, on s’arrête boire un verre. Avec Bambou on voit qu’ils font des russes blancs à pas cher. On en commande un, en fait c’est un russe blanc en shot. 


Bon tant pis, on prend une bière après. Médoc a rendez-vous pour se faire tatouer dans un shop juste à côté. Les gars se foutent de ma gueule : je leur explique que s’il fait froid c’est parce que la place où est situé le bar est entourée de bâtiment alors le vent tourne et ça fait des courants d’air. Médoc va se faire tatouer, on retourne à l’auberge faire une sieste. 


On le retrouve pas loin de 2 heures après, il sort, content de son tatouage. On retourne au même bar que l’après midi, on reprend des bières et de la vodka. Deux polonais à côté de nous sont un peu bourrés, l’un des deux, chauve, louche à fond. Ils nous demandent d’où on vient, ils ont reconnu qu'on parlait français. Ils sont fans de Booba et Gradur… Avec Médoc on leur parle un peu de Booba, mais le chauve louche beaucoup trop. On s’en va. On retourne dans le centre de la ville. On se fait arrêter par les relous de rabatteurs, Bambou les arrête tout de suite : « Sorry but tonight, it’s only Kung Fu ! ». On retourne au bar de la veille et pour changer on continue à la vodka et à la bière. Ils passent de la musique vraiment cool, un peu esprit Chelsea Wolfe, ça s’appelle Rycarda Parasol. On pense que c’est de la musique polonaise, mais pas du tout, elle est américaine. Sur le retour on reprend une Źubr à l’épicerie, Médoc se prend une petite bouteille de vodka, on se pose à nouveau dans la cour et on discute de littérature et de sciences.





C’est pas évident à cette heure là mais dans mes souvenirs c’était intéressant.

Vendredi 27. On doit quitter l’auberge ce matin là. On se lève à 10h et on quitte la ville, un peu dans le mal. 


Aujourd’hui on a décidé de visiter Auschwitz et Birkenau. On a une heure de route. Sur le chemin, on s’arrête dans un supermarché, ils ont un rayon entier de vodka ! 



J’en achète 3 bouteilles, les gars prennent de l’alcool aussi et de la bouffe pour la route. On reprend notre chemin. On s'arrête un peu après pour manger dans la voiture.



On est un peu angoissés à l’idée d’aller dans les camps. Mais on veut vraiment le faire. En polonais Auschwitz, ça s’écrit Oświęcim. On arrive d’abord à Birkenau, on se gare assez près de l’entrée. 



Je pensais qu’il y aurait plus de monde, tant mieux. On rentre dans l’enceinte du camp. Le site est immense. Le temps est gris, maussade, au loin il y a de l’orage. On visite les baraquements encore debout. L’intérieur est reconstitué, les lits sont alignés, face à face. On lit que les déportés étaient près de 250 par baraquements, à dormir à 6 ou 8 par matelas doubles … 





Beaucoup de baraquements sont détruits, seule la cheminée est restée debout. Le site est vraiment immense. C’est vraiment spécial d’être sur place. C’est une histoire qu’on a appris à l’école, qu’on a essayé de comprendre, qu’on essaie de ne pas reproduire. Mais un sentiment d’irréel règne, d’impossible, comme si cette histoire n’avait pas pu se produire. Et pourtant, plus que jamais on se prend la réalité en pleine gueule. Les chambres à gaz et les fours ont été détruits, ils n’en reste que les fondations. 




On reste deux heures, peut-être plus puis on se rend à Auschwitz. C’est une expérience très pesante, qu’on vit tous les quatre d’une manière différente. On marche, on en a plein les pattes mais merde, c’est pas vraiment le lieu pour se plaindre. On reprend la voiture, on fait quelques blagues pour détendre un peu l’atmosphère. On arrive sur le site d’Auschwitz après 15-20 minutes. On ne trouve pas tout de suite l’entrée du site, il faut d’abord prendre un ticket. On arrive finalement devant le portail d’entrée avec la fameuse inscription « Arbeit Macht Frei ». Ils avaient de l’humour ces nazis… La plupart des baraquements ont été transformés en musée, je ne m’attendais pas à ça. Je ne peux pas dire que je suis déçu car le lieu est extrêmement symbolique mais je me retrouve dans les propos de Primo Levi en Appendice de Si c’est un homme (1947) :

« La visite au Camp Principal ne m’a pas fait grande impression : le gouvernement polonais l’a transformé en une sorte de monument national ; les baraques ont été nettoyées et repeintes, on a planté des arbres et dessiné des plates-bandes. Il y a un musée où sont exposés de pitoyables vestiges ; des tonnes de cheveux humains, des centaines de milliers de lunettes, des peignes, des blaireaux, des poupées, des chaussures d’enfants ; mais cela reste un musée, quelque chose de figé, de réordonné, d’artificiel. Le camp tout entier m’a fait l’effet du musée. »

Primo Levi n’était pas dans le camp d’Auschwitz, il était retenu à Monowitz, un des quarante camps du réseau d’Auschwitz. Même si évidemment je n’ai pas vécu de système concentrationnaire, j’ai ressenti la même chose que lui lors de la visite. 




La lecture de son livre a su compléter mon envie de compréhension, de ressenti, d’empathie. Ces mots m’ont vraiment touchés, je préfère le citer que d’essayer maladroitement de trouver les miens :

« Alors, pour la première fois, nous nous apercevons que notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d’un homme. En un instant, dans une intuition quasi prophétique, la réalité nous apparaît : nous avons touché le fond. Il est impossible d’aller plus bas : il n’existe pas, il n’est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la nôtre. Plus rien ne nous appartient : ils nous ont pris nos vêtements, nos chaussures, et même nos cheveux ; si nous parlons, ils ne nous écouteront pas, et même s’ils nous écoutaient, ils ne nous comprendraient pas. Ils nous enlèveront jusqu’à notre nom : et si nous voulons le conserver, nous devrons trouver en nous la force nécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose de nous, de ce que nous étions, subsiste. »

On repart en fin de journée, quand la nuit tombe, fatigués physiquement, moralement. On se pose à côté de la voiture pour manger des saucisses. Bambou fait du Kung Fu, des chats se battent.







On se repose un peu, on rigole, beaucoup et on repart en direction de la République Tchèque, on a repéré un camping à Nyrsko. Il nous faut 7h. Il est environ 22h, Médéric conduit, on écoute Graveyard à fond dans la voiture. On s’arrête dans la nuit sur une aire d’autoroute pour dormir. Ça sera dans la voiture.

Samedi 28. Réveil à 7h50. Ça devient dur, la nuit dans la voiture a été merdique. L’aire d’autoroute est affreuse, à côté de nous un restaurant sent le poisson. 



Dans la voiture ça sent les pieds, la bouffe, la nuit, l’alcool. Petit déjeuner, café dégueu, on se casse vers 9h. On s’arrête sur la route pour acheter un sapin à accrocher dans la voiture. On en prend un avec écrit « Born to rock ». Sur la route, on croise un tchèque qui roule aussi en Multipla, il regarde le notre et nous salue comme les chauffeurs de bus peuvent faire entre eux. 



Bambou devient un monstre, il perd peu à peu sa voix, il grogne et ne s’exprime presque plus. La clope a rendu son rire diabolique, un genre de mix entre le rire à la fin de Thriller de Michael Jackson et Amanda Lear. On arrive à 11h30 à Nyrsko, on s’arrête directement dans un supermarché pour faire des courses. 




On mange par terre sur le parking d’un stade municipal. 



La ville est petite, elle paraît vraiment tranquille. Vers 14h, on retrouve le camping qu’on avait repéré la veille. C’est tenu par une vieille qui ne parle qu’allemand. Elle a une voix à avoir fumé dans le ventre de sa mère. 



Elle est gentille mais elle fait un peu peur. Le camping n’est vraiment pas cher, on pose nos tentes dans un coin et on repart se balader. En arrivant en voiture, on avait cru repérer un lac, bon en fait c’est un barrage, on ne peut pas sortir de sentiers alentours et encore moins se baigner. Mais c'est joli quand même.



On retourne au camping, cette fois pour se reposer. Les gars font une sieste, Médéric ronfle dans l’herbe, j’en profite pour lire un peu. 



Tout le monde prend une douche et on se fait cuire des pattes dans la cuisine du camping. Ça nous fait du bien de manger chaud. 



Avec Médéric, on joue au foot avec un gamin, je l’engueule parce qu’il rate la balle mais il ne comprend pas alors ça le fait rire. On essaie de parler avec nos voisins, c’est un couple d’écossais en vélo. On se motive pour ressortir en ville. On trouve un bar qui s’appelle le Milano (on l’a renommé depuis Le bar de l’angoisse). 



On commande tous à boire, la serveuse ne comprend rien du tout à ce qu’on veut dire. Ça la met autant mal à l’aise que nous. On veut faire un bowling, mais c’est fermé. On joue au jeu du palet avec Bambou, mais dès qu’on termine une des serveuses le débranche en se faisant engueuler. 



Bon on reprend un verre et on se casse, vraiment pas à notre place. On trouve un autre bar en terrasse, la pinte est à moins d’un euro. La serveuse est vieille et aimable mais elle nous parle en allemand, j’arrive à comprendre qu’elle est grand-mère depuis peu et qu’elle est contente. Mais on ne parle pas vraiment allemand alors c’est pas évident. Trois jeunes sont assis à côté de nous, on commence à discuter, ils reconnaissent qu’on est français. On leur paie une tournée de bière. 



C’est pas évident de ne pas paraître trop méprisant, pour nous la tournée de 7 bières, c’est 7 euros, on est pas trop habitués à ça en France… Ils s’appellent Andréa, Georg et Arnold, on s’apprend des mots dans nos langues respectives, on apprend à compter (jeden, dva, tři, čtyři, pět, šest, sedm, osm, devět, deset), on s’apprend des insultes, on leur apprend à dire « ça va ti ? » et « meeeeeerde », ça les fait beaucoup rire et nous aussi. On les suit dans un autre bar dans lequel on ne serait jamais allés seuls. 




On continue à boire, Médéric parle de plus en plus fort. On leur raconte qu’on est venus de France en Multipla, ils se foutent de notre gueule, Bambou essaie de défendre sa voiture en lui accordant un certain côté pratique. On découvre une « tradition » tchèque : tant qu’on ne dit pas non, la serveuse vient remplir nos pintes. On boit 6 ou 7 pintes chacun, les 3 tchèques veulent nous payer un verre de Peppermint. On commence à être bien bourrés, Médéric vomit dans les chiottes, on l’entend de dehors. On se fout de sa gueule. On dit au revoir à nos amis du soir et on rentre au camping. Sur le retour, on s’allonge pas terre pour observer le ciel étoilé, vraiment dégagé, très beau. 




Ils étaient vraiment sympas ces tchèques.

Dimanche 29. On se réveille à 10h30, tous malade, à crever de chaud dans les tentes. On range nos affaires rapidement car on doit quitter le camping à 11h maximum et on retourne manger sur le parking du stade municipal. On se gare en plein soleil, il fait vraiment super chaud. Je me tonds la barbe dans le rétroviseur du Multipla, on mange des pâtes trop cuites et on part en direction du lac de Cerné Jezero. Médéric bande dans la voiture, on va mettre ça sur le compte des vibrations de la route. On se gare sur un petit parking et on part pour 1 heure de route à pied. La route passe vite, on est en forêt, ça nous fait du bien de marcher et de prendre l’air. On arrive finalement : le lac est superbe, il n’y a pas grand monde, il fait magnifiquement beau, ça s’annonce parfait. 



On fait le tour du lac et se trouve un endroit au calme pour se poser un peu et faire une sieste. On n’ose pas de baigner, personne ne le fait et même si on ne comprend pas vraiment les panneaux, ça semble plutôt interdit. Je m’endors comme une merde en lisant Philip Roth, les gars me réveillent en rigolant. 




On continue un peu le tour du lac et on se casse en fin d’après-midi, on voudrait trouver un Tesco sur la route pour acheter des saloperies. On rentre l’adresse dans le GPS et on reprend la route. On s’arrête un petit bout de temps, on aime bien flâner dans les supermarchés à l’étranger. Surtout que dehors un orage commence à éclater. On passe tous aux toilettes (probablement les pires du monde, je n’ose même pas imaginer ce qu’il y avait par terre) et on repart en direction de Stuttgart. Lara nous avait dit de passer à Leipzig mais c’est vraiment pas notre route. Et on est sûrs de ne pas être passés par Stuttgart l’année dernière… On s’arrête une dernière fois sur une aire allemande pour manger, Médéric goûte une soupe achetée en République Tchèque qui a l’air vraiment dégueulasse.



On repère un endroit où dormir grâce à l’application Parkfornight, on s’arrête à même pas une heure de Stuttgart. On monte une tente avec Giraud, les deux autres pioncent dans le Multi.

Lundi 30. Là, le réveil est vraiment difficile. On a tous des douleurs physiques à force de marcher, de dormir n’importe comment, on commence à être tous bien crevés à force de boire comme des trous. 



On voulait s’arrêter le lendemain à Strasbourg mais on décide de rentrer à Rouen le jour même. On veut quand même visiter Stuttgart avant de partir. Arrivés en ville, on s’arrête manger dans un centre commercial, on se prend un kebab pas terrible fait par des mecs en costard qui se la pètent à mort (vous faites des kebabs les gars, calmez vous…), Giraud galère à se trouver un truc végétarien. On se motive à faire un tour dans la ville et plus on visite, plus on se dit que la ville nous dit quelque chose : « putain toutes les villes sont pareilles en Allemagne ou quoi ? ». 



Au bout d’un moment, on (Médoc) a une révélation : c’est cette ville qu’on a visité l’année dernière. On est vraiment très cons, c’est pas comme s’il y avait plusieurs villes en Allemagne ! On s’arrête quand même en terrasse prendre une ultime pinte et on se tire en fin d’après midi. Médoc conduit toujours, on passe un peu tout le temps les mêmes musiques (on a vraiment fait beaucoup de voiture…), on s’arrête finalement vers 21h pour manger, on repère une petite table au bord d’une route dans la forêt. On commence à sortir à manger et à faire un peu de Kung Fu quand on entend des miaulements venants de la forêt. Vraiment pleins de miaulements très aigus. Au bout d’un moment, on voit débarquer un chaton, puis deux, puis trois, puis quatre… 

Ça nous fait vraiment mal au cul (plutôt au cœur d’ailleurs) que des enculés aient pu abandonner ces petites bêtes dans la forêt, on les nourrit un peu, mais c’est tout ce qu’on peut faire pour eux, impossible de les prendre dans la voiture, on a pas de cage et il nous reste au moins 7 heures de route … On voit débarquer une voiture et 4 nanas en sortir. Elles nous demandent si on veut prendre les chats. Elles ont un accent incroyable (on est entre Nancy et Metz), on sympathise avec elles. En fait, l’une d’elle promenait son chien la veille quand elle a entendu la même chose que nous. Alors, avec sa bande, elle a décidé d’y retourner pour les prendre chez elle. Sauf qu’elle pensait qu’il n’y en avait que deux… Elles s’appellent Véro, Amandine, Aurore et Marion et elles ont toutes peur d’attraper un chat. Bon nous aussi. Enfin pas Médoc, du coup c’est lui qui s’occupe de capturer les chats. Il choppe facilement (en se faisant bien griffer la main) les trois premiers, les fout dans la voiture de Marion (elles n’ont pris qu’une boîte de carton…). Le quatrième se cache sous la voiture, il a compris ce qu’il se passait… Pendant qu’on lui bloque le chemin pour ne pas qu’il retourne dans la forêt, l’un des filles me demande le prénom du gars qui attrape les chats. Quand je lui réponds Médéric, je lis un blocage sur son visage, elle n’ose pas me dire que soit elle n’a pas compris, soit ce n’est définitivement pas un prénom… On parvient à chopper le dernier chat, les filles partent avec les 4 chats en liberté dans la voiture, on prend un petit café et on reprend la route. 



C’est vraiment cool qu’elles soient venues chercher les chats, ça nous allège un peu la conscience, les chats seraient canés au bout de quelques jours… Le soleil se couche, on écoute pour la millième fois Do Hollywood des Lemon Twigs en frissonnant sur Franck. On s'arrête pour pisser et fumer une clope, au loin des éclairs commencent à déchirer le ciel. Quand on repart en voiture, un énorme orage éclate, la pluie tombe sans s’arrêter, les éclairs éblouissent tout le paysage à chaque retentissement. J’ai rarement vu autant de puissance se dégager du ciel, le tonnerre claque extrêmement violemment. On écoute Moriarty, au chaud dans la voiture c’est vraiment magnifique. Médoc me file le volant, il en a ras le cul de conduire. Je roule au milieu sur les routes de nationale, je suis un peu entre le sommeil et le conscient, à côté je vois Médoc lutter pour ne pas dormir, les deux autres derrière pioncent, Bambou a la tête sur la glacière. On arrive à Paris, des déviations nous font perdre 30-45 minutes. Le GPS est en PLS, les gars m’indiquent en même temps que lui où je dois tourner, je les envoie chier vénère. Bon je m’excuse deux secondes après, je suis juste rincé et ils étaient juste relous à parler tous en même temps. On passe devant un radar, un flash éclate (putain…). On arrive finalement sur Rouen à 5h du matin, je prends une douche parce que la moindre partie de mon corps sent mauvais et m’effondre dans mon lit rapidement rejoint par le sommeil qui m’emmène très loin de ces jours passés sur la route. On remet ça l’année prochaine.