mercredi 27 juillet 2016

Eckeball

Rouen-Schönau am Königssee : 1192,7kms, 12h52 en évitant les péages. Ça fait loin pour des vacances, surtout pour 4 jours, mais je crois qu’on peut dire maintenant que ça vaut le coup. Samedi 9 juillet, 20h30, la bande vient me chercher chez moi. On part heureux, motivés malgré le bitume qu’il nous reste à avaler. C’est Médoc qui conduit, il nous dit qu’il est chaud de faire toute la route. On lui dit qu’on peut le relayer, que ça va être hardcore de se taper 13 heures de route. Bon, on insiste pas trop quand même. Surtout qu’il nous dit qu’il a du sang de trucker et qu’il s’est tapé 24 heures de route pour aller en Roumanie. Si c’est comme ça, autant laisser la place aux experts. Les kilomètres défilent, la nuit tombe, la fatigue commence à pointer le bout de son petit nez vicieux. Bambou nous avait prévenu avant de partir : « Par contre, on ne fume pas dans la caisse, on s’arrêtera fumer des clopes et boire des cafés ». Bon, il a pas fallu longtemps pour que la règle ne change : « Bon les gars, le 15ème amendement vient de tomber, il est maintenant possible de fumer dans la voiture pour une durée indéterminée ! ». YOUHOU !!! Médoc nous fait marrer, on écoute Ride the lightning de Metallica, il connait l’album par cœur et il joue de la guitare et de la batterie sur le volant ! De quoi rendre jaloux Kirk Hammet ! On change de cd, Giraud a choppé Licensed to III des Beastie Boys en Belgique, on devient fous dès la première note de Rhymin &  Stealin. Gros beat de batterie piqué à When the leavee breaks de Led Zepellin, gros riff de guitare piqué à Sweet Leaf de Black Sabbath. On met ça à fond dans la bagnole. Arrêt pipi sur le bord de la nationale. (You gotta) Fight for your right (to party !) sort de la voiture, les portières grandes ouvertes, on danse comme des cons, un camion nous klaxonne, je paie mon cul aux bagnoles qui passent. On fini les clopes et on retourne dans la voiture essoufflés et plutôt contents de nos chorégraphies !


La bagnole c’est chiant parce que c’est long mais ça fait aussi partie du voyage. On passe à Beauvais, Giraud s’étonne : « Quoi on est qu’à Beauvais ??? ». Heureusement c’est pas le même Beauvais, ça fait genre 5-6 heures qu’on roule. On passe dans un bled qui s’appelle Coole (dans la Marne), ça nous fait marrer jusqu’au moment où un flash vient briser la noirceur de la nuit. C’était 50, Médoc était sûr d’être à 50. Perso je me dis que c’est la voiture d’en face qui s’est faite flasher. Ça casse un peu l’ambiance, c’est pas si cool à Coole. Bambou met un vieux best-of de Dutronc, il nous prévient que tout n’est pas terrible. C’est pas grave, on connait tous plus ou moins les paroles de Dutronc. Pour moi ça fait comme la Madeleine de Proust quand j’entends Fais pas ci, fais pas ça. Ça a beau faire 20 ans que je l’écoute, je ne connais toujours pas ces putains de paroles. On nous cache tout, on nous dit rien ! RIEN MAIS ALORS RIEN. On roule bien, le trajet ne me parait pas si long. C’est peut-être parce que j’ai pioncé. On passe à Little Richard. Je me dis qu’il faut pas qu’on se fasse arrêter : 4 mecs qui écoutent et chantent du Little Richard à fond, c’est pas ultra viril. On s’arrête sur une aire d’autoroute, besoin de café et de dégourdir les pattes.


Il y a des petits singes avec des grands bras dans la vitrine, ça nous fait marrer. Bambou en profite pour aller chier. Bon maintenant chier ça se dit Currywurst. Même si on est trois à avoir étudié l’Allemand, on ne connait pas grand chose. Alors on va se servir des mots que j’ai retenu de Fifa et PES : Eckeball, Schöne flanke, Absteits. Ça fera l’affaire. On s’assoit sur le trottoir près de la caisse, on boit du café et de l’Oasis dégueulasse. Par terre, il y a des graviers qui croustillent sous nos pieds. Ça finit en Christian Gravier et Crousti Bravo… On commence déjà à se fatiguer. On reprend la route et on arrive bientôt en Allemagne. Les autoroutes c’est pas une légende ici. T’as des portions sans limite. Médoc roule à 150, on commence à doubler une voiture qui se traine, un petit point derrière se rapproche super vite. Beaucoup trop vite. L’allemand ne ralentit pas, il nous double au moins à 250km/h. C’est assez impressionnant le nombre de 4x4, break, berline Audi, BMW, Mercedes Benz, Porsche qui nous double. On peut dire que les allemands consomment local en matière de caisse. Je me rendors. Les gars font plein de bruit mais je dors quand même. Je me réveille sur une aire d’autoroute allemande. On rentre dans la boutique, et là on tombe sur le Graal : des canettes de Faxe à 4 euros. On hésite à faire un stock mais on se dit qu’il vaut mieux attendre le retour. Les chiottes sont payantes, on va pisser dehors. On repart, Médoc conduit toujours, au taquet, il connait la route, il est passé par là pour aller en Roumanie. Je suis dans un état comateux, Giraud se fout de ma gueule, je lutte pour arrêter de dormir. Le paysage commence à changer, on voit beaucoup de pins, on sent qu’on arrive dans les Alpes. On arrive à un genre de barrage, Médoc nous dit que dans certains pays il faut un vignette pour y entrer. Genre Suisse, Autriche… On arrive en Autriche. On se dit qu’on est pas censé savoir, qu’on ne connait pas la législation de tous les pays par cœur. On passe s’en prendre de vignette. Premier virage, des pseudos flics/douaniers nous arrêtent. Une mocheté qu’on nommera plus tard Brigitte commence à nous parler en autrichien, on lui explique qu’on est français. Elle continue en anglais : on est en Autriche et ici, depuis 90 ans (enfin c’est ce qu’on a compris), il faut payer une vignette pour entrer dans le pays, ça fera donc une amende de 120 euros. On commence à dire qu’on ne savait pas. Elle s’en care. On file 30 balles chacun et on repart, dégoutés. Putain de pays de merde. Laisse nous le temps de t’apprécier ! Trop tard… La Brigitte, c’est une belle connasse. On passe nos nerfs sur elle, je calme le jeu en disant qu’on vient de lâcher la thune qu’on a économisé en passant par la Nationale. C’est rageant quand même. « Le visa Schengen est le représentant du collectif des 26 pays européens qui ont mutuellement décidé d’éliminer le passeport et les contrôles d’immigration à leurs frontières communes. » L’Autriche en fait partie. Merci les gars, beau sentiment de cohésion entre les peuples. Bon le paysage est magnifique, ça dépayse. La rivière qui fait la course avec nous est translucide, on a hâte d’arriver et de poser nos culs autour du lac de Königssee. Quelle salope cette Brigitte. On quitte l’Autriche ! Youhou ! 10 minutes : 120 euros. Bref, on arrive à destination dans 5 minutes. Je vois des bar qui retransmettent l’Euro, c’était pas évident sachant que l’Autriche s’est faite sortir en poule et que la Mannschaft vient de se faire éliminer par la France. Oups… J’arrive à convaincre les gars de mater la finale, ça va être cool, en plus c’est le Portugal, on va les battre facilement ! On arrive à Schönau am Königssee, Giraud trouve que ça fait fake-décor hollywoodien. Je trouve ça plutôt joli même s’il règne quand même une atmosphère de maison-témoin comme dans La colline à des yeux. Tout est propre, lisse, beau, ça sent la thune et les conservateurs, tout ce qu’on aime ! Bon, on provoque un peu en allant en Bavière… On cherche à garer la voiture mais on ne voit toujours pas le lac, les nerfs commencent à lâcher légèrement… La nuit blanche est un peu dure. On se gare sur le parking de la piscine du coin, une grosse étendue d’herbe. Giraud demande à une gentille maman si on peut rester là, aucun souci, c’est gratuit, d’autant plus qu’on est dimanche. On prend quelques affaires et on part visiter la ville, à la recherche du lac. On a faim, il fait très chaud, il n’y a pas grand monde dehors. Devant une église, on croise des vieux en tenue traditionnelle bavaroise. Heureusement qu’on est pas noirs et que Médoc porte la moustache. On remonte vers la voiture. On se fout en short, on prend maillots de bain, crème solaire, serviettes de bain et on remonte cette fois, en direction des œufs qui semblent monter vers la montagne. On s’arrête à un Macdo, c’est important de manger local. Bamboo prend un Mcrib, ça a l’air dégueulasse. On demande au serveur si on peut mater le match et si on peut faire des courses quelque part ici. Il nous dit qu’on ne doit pas connaitre le coin, il n’y a rien ici… Cool. Par contre il nous dit qu’on peut aller à Salzbourg en Autriche, c’est une grande ville. Nooooooon, pas l’Autriche ! Au final, on s’en fout maintenant on a la vignette pour 2 jours. On repart chercher le lac. On tombe sur une petite place avec des magasins pour les touristes, on peut mettre des pièces dans une machine pour qu’un bavarois scie une branche…


Il y a des petites peluches qui répètent ce qu’on dit, ça nous fait marrer, on leur fait dire : « Atitoi ? ». On est sur le bon chemin, on aperçoit le lac. On est un peu déphasé, on est parti hier de France vers 21h, on se retrouve vers 12h en Bavière sans avoir dormi. L’espace temps se dilate. Ça vaut vraiment le coup. Le lac est splendide, l’eau est transparente, entourée d’une forêt de pins.



On marche un peu dans la forêt jusqu’à trouver un spot pas trop scketchy où on pourra chiller (putain de Giraud). On se pose enfin, ça fait du bien. J’allume mon 650d pour prendre une photo du cadre paradisiaque, rien ne se passe. J’avais chargé la batterie avant de partir. Encore un coup de Brigitte, heureusement que j’ai acheté 3 jetables. Je trempe mes pieds dans l’eau, c’est froid mais ça fait du bien. Des libellules viennent niquer autour de nous. Ça ravie Bambou, l’amoureux des bêtes. Les pierres sont glissantes à cause de la mousse. Il y a des bateaux qui passent, des barques avec des familles ou des amoureux. On hallucine un peu, quasi à chaque fois c’est la nana qui rame et le mec qui fait bronzette. On se dit qu’elles seraient mieux avec nous. Paisibles. À la fraîche. Médoc descend un peu pour tremper ses pieds dans l’eau, il glisse sur une pierre et atterrit le cul dans l’eau. On rigole mais il s’est quand même fait mal. Surtout qu’il est tombé habillé, avec son portable, ses papiers et son fric. Bambou s’endort sur ses genoux, on décide d’avancer un peu pour trouver un endroit où on pourra s’allonger pour siester. On trouve un endroit cool, on est au calme, au frais. Je me pose 5 minutes, les mecs vont voir un peu plus loin, je m’endors. Je suis vite réveillé par un chien qui me sent le visage. Je rejoins les gars, Médoc a prit sa revanche avec l’eau, il se baigne, en maillot cette fois. Ça a l’air froid, j’hésite à y aller mais j’irai demain. Il est 16h, on décide de retourner à la voiture pour aller faire des courses et visiter Salzbourg avant le match. On a environ 40 minutes de voiture pour y arriver. La voiture est restée toute la journée au soleil, quand on entre dedans il fait 42 degrés… On s’endort derrière avec Médoc, le trajet nous berce. Je me réveille dans Salzbourg, c’est une ville plutôt jolie bien que froide comme tout ce qu’on a vu à présent. On se gare dans l’hyper centre, on se lave les dents, on change de fringues, on passe un peu pour des clodos aux yeux des gens. Je mets mon maillot de l’équipe de France 2000, un autrichien me souhaite « bon courage pour ce soir » en anglais. Plutôt cool, surtout que deux secondes avant je matais sa nana. On descend dans la ville, on passe devant un pub irlandais qui diffuse la finale, on se dit que le lieu peut être cool pour mater un match. On arrive sur une des rues principales de la ville, beaucoup de boutiques de luxe, on ne se sent pas trop à notre place. 


On comprend vite que c’est la ville qui a vu naitre Mozart, ils en foutent partout. Les gens se prennent en selfie devant le musée mais n’y entre pas, ça serait dommage de s’instruire. On commence à avoir la dalle, on repère un genre de food truck qui vend des saucisses, on ne comprend pas trop ce qu’on commande, c’est pas très bon, des pigeons essaient de nous la faire à l’envers mais c’est enfin l’heure de l’happy hour au pub irlandais. 19h-20h. On s’y pointe, je commande une première tournée. Énorme coup de barre. La forme revient dès la pinte finie. 


Giraud commande une tournée de cidre. La serveuse nous parle en français, on se demande si elle est belge ou québécoise. Elle est québécoise. Il est pas loin de 20h, je sens la pression monter par rapport au match. On voit/entend arriver deux gaillards au loin, ils ont des écharpes françaises, ils nous repèrent grâce à mon maillot. Les gars sont des putains de géants, plus de 2 mètres pour un, 1m94 pour l’autre. Ils nous expliquent qu’ils devaient partir à Bratislava avec un pote qui est tombé malade. Ils ont décidé de partir quand même mais en stop. Ils prendront seulement l’avion à Bratislava, leur avion est demain. Ça fait bizarre de rencontrer des français pas relous dans un pub irlandais à Salzbourg. Le match commence, je commande une tournée de Jameson, c’est important de consommer local. Première mi-temps tendue. Nos nouveaux potes font du bruit, ils mettent vraiment l’ambiance, c’est cool. 


On en entend un dire à la serveuse québécoise : « s’il vous plaît, arrêtez de traduire tous les titres de films en français ! ». C’est drôle parce que c’est vraiment con qu’ils fassent ça. Chez eux Breaking Bad ça s’appelle Le Chimiste, ça a quand même moins de gueule. Le plus petit des grands se boit 5 Guiness en même pas une heure. Il ne semble même pas bourré. On parle à la mi-temps, le plus grand des grands nous explique qu’ils viennent de Valenciennes. Il est fan de foot, il a un discours intelligent sur le sujet, ça fait plaisir, ça change. C’est un gros fan de Manchester United et de Cantona. La deuxième mi-temps commence, Médoc paie sa tournée. Toujours aussi tendu. Prolongations. J’y crois de moins en moins. Je paie ma tournée de Guiness, Bambou est dégoûté, c’est lui qui conduit… Je suis debout entre les deux géants, ils insultent les portugais ça me fait rire. 109ème minutes, Eder marque pour le Portugal. Les putains de boule. Je sais que c’est fini. Le match se termine, on veut reprendre une bière avec Médoc mais Bambou est un peu crevé, ça fait pas loin de 30 heures qu’il est debout. En sortant, deux espagnols me regardent, je suis vraiment dégoûté. Je sais pas trop s’ils se foutent de ma gueule ou s’ils sont désolés pour moi mais ils sont souriants. On retourne à la voiture, les gars ne me charrient pas trop. Prochaine objectif : trouver un endroit où mettre les tentes pour enfin pioncer. On tourne un peu, Bambou en a vraiment ras le fion, je suis bourré et les deux autres pioncent. On s’arrête sur un parking, Giraud et Médoc installent une tente sur un coin d’herbe, on dort dans la caisse avec Bambou. L’alcool fait effet, je m’endors facilement et rapidement. Lendemain matin, gros soleil, il est 8h30, il fait super chaud dans la voiture, j’ai la bouche pâteuse, on a pas de jus d’orange, on s’ouvre une canette de bière avec Bambou.



Il me dit que j’ai ronflé et me pose la question qui tue : « Bon, on reparle du match d’hier ? ». Ta gueule merde, j’avais presque oublié… Les gars nous rejoignent, des gens rigolent en les voyant sortir de la tente. Juste à côté du parking il y a une salle de fitness, le contraste avec nous est marrant à voir. On met l’adresse d’un supermarché sur le GPS et on se tire. On s’achète de quoi pique-niquer, des canettes, Giraud achète LA paire de tongs parfaite (avec le drapeau allemand dessus). On repart, on se gare sur le même parking que la veille et on part en direction du Königssee. On repasse devant les peluches qui imitent, Giraud fait « HEEEEEEY », la peluche fait « HEEEEEEY », ça fait marrer tout le monde. On pique-nique à l’ombre, Médoc s’est acheté une Saladwurzt, l’horreur…


On repart, on s’enfonce plus loin dans la forêt, la veille on avait repéré une sorte de plage, plutôt parfaite. On en chie pas mal, il fait super chaud, le sac de courses est lourd, je glisse avec, je termine sur le cul. Décidemment… 



La veille, une randonneuse française nous avait parlé d’une cascade dans la forêt, on la trouve assez facilement après 15 minutes de marche. C’est vraiment beau. On arrive à une petite crique parfaite, il y a deux baleines blondes échouées, on les réveille en arrivant, tant pis… Il y aussi deux nanas sur un ponton. On sort les serviettes, on s’ouvre une canette, je m’allume une clope.




On a fait 1192,7kms mais on est vraiment bien putain. Loin du climat de merde qui règne en France, #49,3, #attentats, #présidentielles2017quiapprochent… Ça me fait du bien d’être loin de la pression sociale de merde qu’on te fout dans le cul quand tu n’as pas de travail et qu’en plus tu oses toucher le RSA. On est là pour profiter, oublier toutes les merdes du quotidien et on le fait plutôt bien. Je me change en me cachant derrière un tronc d’arbre, ça ne cache pas grand-chose… Bambou prend ma bite en photo. 


Médoc et Giraud partent se baigner, on les rejoint timidement avec Bambou. Le plus dur c’est de passer les couilles. On met bien 15 minutes à arriver jusque là. On barbouille 5 minutes et on sort. Elle est fraîche mais ça fait vraiment du bien.



Les baleines s’en vont. Les deux autres nanas ne tardent pas trop à les imiter. On pique leur place sur le ponton. On sort les cartes, petite partie de mytho des familles. 


Médoc essaie de pêcher en mettant des bouts de fromage dans une canette vide. C’est pas vraiment concluant… Je vais me laver à la cascade. Là encore, c’est froid mais c’est tellement agréable. Raie en l’air, je me lave les cheveux à la base de la cascade. C’en est trop pour Giraud qui abandonne l’idée de se laver. Le tonnerre commence à gronder. On se dit qu’il faudrait quand même pas trop trainer. Rapidement, la pluie tombe. On croise un type qui a perdu ses clés. Bon courage mon gars… La pluie tombe beaucoup mais on s’arrête, subjugués par la beauté du lac. De la brume se forme au dessus de la forêt de pins, les gouttes de pluie creusent le lac en venant mourir dessus. 


Bon c’est joli mais on est trempé. On accélère, on s’abrite sous un autel. On mange un bout, on s’ouvre une canette, on blasphème en pétant et en balançant un bon nombre de saloperies.



On décide de rouler jusqu’à Munich le soir. C’est à 2 heures de route de Schönau am Königssee. Ça fera ça de moins à faire pour le retour. La pluie se calme enfin, on peut retourner à la voiture. On se change, on fait un foot sur le parking, on est au taquet, la clope au bec mais crevé au bout de 2 minutes. Giraud conduit, selon le GPS on arrive vers 21h à Munich. On commence à rouler, le GPS nous fait passer par des routes de montagne bien serpentées, on essaie de retrouver l’autoroute. La nuit commence à tomber, on est enfin sur une route de campagne. Une voiture se colle à nous et nous fait des appels de phare. On ne comprend pas trop au début, qu’il nous double ce connard. Aux appels de phare viennent rapidement s’ajouter des gyrophares. Et merde, on était en excès de vitesse. On s’arrête sur le côté. On ne sait pas s’il faut sortir de la voiture ou pas. L’ambiance est cheloue surtout que je suis en train de lire Désolation de Stephen King, le début du bouquin décrit un flic psychopathe qui arrête un couple de cinquantenaire pour défaut de plaque d’immatriculation et qui bute le mari. 2 flics sortent enfin de la voiture. Un homme et une femme. Et quelle femme… Blonde, yeux bleus et… Ouais mais elle sent super bon en plus. Le tout en tenue de police, le combo parfait pour exciter les 4 mâles virils que nous sommes. Bon ça au début on ne se le dit pas, on flippe un peu. « Do you speak english ? ». Visiblement c’est elle la boss. Elle nous demande si on a consommé de la drogue. Non non madame, on picole mais on ne fume pas. Elle demande nos cartes d’identités/permis de conduire, elle les filent à son collègue qui va checker dans la voiture. Pendant ce temps elle nous dévisage. Je sors de la voiture, 4 clanpins qui restent assis ça fait louche. Elle nous demande si elle peut trouver de la drogue en fouillant la voiture. Non non madame, promis on est cleans. Elle regarde Bambou, elle lui demande quand il a fumé pour la dernière fois. Il ne sait pas mentir alors il lui dit que ça fait un mois. Bon en vrai ça fait même pas un semaine mais ça elle l’ignore. Elle demande s’il est sûr. Oui oui madame, je suis sûr. Parce que vous avez une tête à avoir fumé de la weed. Et merde. Médoc le défend en disant en substance qu’il a toujours ces yeux d’abruti. Bambou se défend en disant qu’on a passé la journée au lac et qu’on a pas beaucoup dormi. Le deuxième cow-boy revient, tout en clean pour nous. La policière demande à Giraud de sortir du véhicule. Ils sont face à face. Elle lui colle une lampe torche dans les yeux. Tout va bien, les pupilles régissent normalement. Ils nous saluent et repartent. L’odeur du parfum de la policière flotte encore dans l’air. Je range ma carte d’identité dans le coffre, je lance aux gars : « Bon on peut le dire maintenant, ELLE ÉTAIT BONNE SA RACE !!!! ». Ils acquiescent tout les 3 en cœur. On repart, on recroise les deux flics qui ont arrêté des jeunes en vélo. On parle de Frida pendant un bon moment. Oui on l’appelle Frida, ça lui va bien. Ça nous a foutu la patate mais l’heure a tournée. En plus il s’est carrément remit à flotter. On décide d’aller à Munich dès demain matin et de chercher un endroit pour pioncer. Pas évident quand on ne voit rien et qu’il pleut. On roule jusqu’au niveau d’un petit chemin en forêt. On va voir mais on y croit pas trop. Visiblement pas grand monde ne passe par là mais c’est pas idéal pour poser une tente. On essaie de reculer, la voiture patine dans la boue. Ça me fait vraiment penser au passage dans Jurassic Park où le gros se fait bouffer par le dinosaure qui crache des trucs noirs. On arrive à sortir, on trouve un coin plus tranquille et on installe les tentes. Enfin, ils installent les tentes, moi je tiens la lumière. 



Une fois les tentes montées, on se pose enfin. Je bois du bourdon, ils boivent du Château La Coucharde, on fume des clopes et on se couche. Lendemain matin, Médoc me réveille en pétant, l’intérieur de la tente est humide, on remet nos chaussures trempées et on se casse en direction de Munich. Je conduis. Arrivés à Munich, on se dit que la France a encore des progrès à faire en matière d’écologie, c’est blindé de vélos ! Pour ce qui est de la ville, soit on est pas tombé au bon endroit, soit Munich c’est laid. Bon c’est vrai qu’on a pas vraiment creusé. 


On est arrivé vers 12h, donc on avait bien la dalle. On voulait absolument manger un kebab allemand. On a pas été déçu. Le pain, la viande, la sauce blanche, tout était excellent. Et pas cher. On continue quelques mètres, les gars veulent se prendre un café et chier, le seul truc qu’on trouve pas trop loin, c’est un putain de Macdo. Je prends un smoothie banane-goyave, je le sirote au calme dans mon fauteuil, des gamines se foutent de ma gueule en passant. Je ne comprends pas, c’est viril un smoothie banane-goyave ! Et c’est important de manger local. On repart plus légers qu’en arrivant, il se remet à pleuvoir. On s’arrête dans un magasin vachement geek, ils vendent le masque de chewbaca qui crie quand on ouvre la bouche, j’hésite à le prendre pour mon frère mais 60 balles pour un truc qui sert à rien, ça me troue un peu trop le cul. Le magasin est vraiment sympa, on a envie d’acheter pleins de trucs. Finalement Médoc s’achète un tote bag et on repart en direction de la voiture. Il est encore tôt, on ne sait pas trop quoi faire. Du coup on trouve un immense supermarché et on passe une bonne partie de l’après midi dedans. 


On achète de l’alcool de plantes, des conneries locales et des bandeaux avec le drapeau allemand. 


Finalement, on décide de passer la soirée à Stuttgart, c’est à 2h30 de route de Munich. Bambou conduit, je lutte pour ne pas m’endormir, le copilote ne doit pas dormir. En principe. 


On s’arrête au moins 1 heure à une station service, on prend une douche avec Giraud, on achète des Faxe et on repart. On arrive enfin à Stuttgart, ça a déjà l’air plus vivant que Munich. On se gare à Nesenbachstraß et on part à l’aventure. L’ambiance est cool dans cette ville, il fait assez bon, on tombe sur un genre de festival qui a l’air finit. On commande des bières à un chauve qui porte un tee shirt de Jack Nicholson, il nous demande si on le connait. J’acquiesce fièrement même si tout le monde connait Jack Nicholson. On se ballade un peu sur la place où avait lieu l’événement, on ne connait pas les groupes qui ont joué. Il se remet à beaucoup pleuvoir. On s’abrite sous une haute voûte, on boit nos bières tranquillement, on est entouré d’altermondialistes qui refont le monde en allemand. Enfin on suppose parce qu’on ne comprend rien. 


On finit la pinte, quasi bourrés, on parle ingratitude et organisation de concerts avec Médoc et on repart vers la voiture. On va dormir dans la caisse sur une aire de repos. Il s’arrête de pleuvoir, on peut manger un bout avant de se coucher. On se fait des tartines avec de la crème d’olive pas dégueu. 


Je finis ma flasque de bourbon, c’est important d’être bourré quand tu dors en voiture. Médoc parle de HP Lovecraft et du fait qu’il était possédé étant gamin. J’arrive à m’endormir facilement. Bambou dort les jambes en l’air. Dans la nuit Médoc klaxonne sans faire exprès, ça nous fait marrer. Le réveil est dur. On ne s’est pas rendu compte dans la nuit mais on s’est arrêté exactement à la même station service qu’à l’aller. On commande des expressos, petit tour aux toilettes et on se prend un Burger King. Il est 9h. 


Ça fait quand même du bien de manger. Même si c’est de la merde. Je prends une couronne au Burger King, je suis maintenant le King et tous les autres sont mes laqués. 


Ça me donne une idée de scénario. À une station service, un mec m’interpelle : « Hé mais c’est le King ! ». Parfait, mon royaume s’étend. 


On met le GPS direction Rouen. Il nous reste 8 heures de route. Médoc refait tout le trajet. La route est longue et chiante. On s’arrête pisser sur le bord de la route avec Beastie Boys en fond, on danse encore mais le cœur y est moins. 



On repasse par Coole, on fait « coucou » aux radars, on repasse par Beauvais (Quoi on est déjà à Beauvais ? Mais non c’est pas le même Beauvais Giraud…). On tombe dans les bouchons à Paris. Bah ouais demain c’est le 14 juillet. 




On arrive finalement vers 22h sur Rouen. La fatigue prend vite le dessus. Je retrouve Médoc à un concert le lendemain, en rentrant chez moi j’apprends qu’un enculé vient de buter 84 personnes sur la Promenade des Anglais à Nice. Une copine était à 15 mètres de la scène. Putain de merde. Ça va être repartit pour les « Je suis Nice », #PrayforNice, « faut mettre tous ces étrangers dehors », « il faut vous habituer à vivre avec le terrorisme ». Pas très Charlie tout ça… Là tu te dis que les pauses dans la vie de tous les jours, dans ce quotidien merdique sans avenir radieux qui se profile, ça fait vraiment du bien, même si le retour à la réalité est plus que dur.